mardi 3 décembre 2013

Impérial carré de deux


Après presque 9 mois d’absence (hum !), il était grand temps que j’accouche d’un nouveau billet… Comme nous sommes le 2 décembre, cela me donne une excellente raison d’écrire, puisqu’il s’agit d’une date importante dans l’histoire de France. Pas moins de quatre événements majeurs du XIXe siècle ont eu lieu un 2 décembre ! 

Ils sont tous liés à l’histoire des deux Empires qu’a connus la France dans ce siècle, ce qui en fait un jour important pour les « bonapartistes » de tout poil. D'ailleurs, les deux derniers des quatre événements dont je vais vous parler n’ont pas eu lieu par hasard un 2 décembre. Bien au contraire le choix de leur date a été fait sciemment en hommage aux deux premiers. 

La violette est, tout au long du XIXe siècle, le signe de ralliement des bonapartistes

Je vous propose donc un survol de ces quatre événements, auxquels sont consacrés des volumes entiers… Ce sera donc bref et superficiel, mais, je l’espère, pédagogique :)

Le 2 décembre 1804, Napoléon Ier est sacré empereur à Notre-Dame de Paris. Il est déjà «aux affaires » depuis 1799 et son coup d’Etat du 18 Brumaire, mais en 1804 on passe du régime du Consulat, au Premier Empire. Le 2 décembre est le point d’orgue des cérémonies qui se succèdent cette année-là. Fait remarquable, contrairement aux sacres des rois de France qui étaient couronnés par l’Eglise (le roi tient son pouvoir de Dieu), Napoléon se ceint lui-même de la couronne, qu’il tient du peuple, avec la bénédiction du pape Pie VII quelque peu réduit à un rôle de figurant. Dans la foulée, Napoléon couronne Joséphine de Beauharnais, qui devient Impératrice. Evènement est immortalisé dans le célèbre tableau de David. On ne le voit pas sur le tableau, mais les sœurs de Napoléon, qui tiennent le manteau de Joséphine, crevaient de jalousie, tandis que la mère de l’Empereur a tout simplement refusé de venir à la cérémonie (bien que David la fasse figurer en bonne place sur le tableau). Ambiance dans la famille Bonaparte :)

Joséphine entourée de deux de ses belles-sœurs (détail du tableau de David)

Un an plus tard, le 2 décembre 1805, c’est la bataille d’Austerlitz, sans doute la plus célèbre victoire de Napoléon. Depuis 1803, après une courte paix, la France est de nouveau en guerre contre l’Angleterre, qui s’est alliée pour l’occasion avec l’Autriche, la Russie et la Suède. Cette union est désignée sous le nom de Troisième Coalition. On numérote ainsi de 1 à 7 les alliances des monarchies européennes contre la France révolutionnaire puis impériale, entre 1789 et 1815 !

John Bull est chez les caricaturistes le pendant d'Oncle Sam pour incarner la nation anglaise (auteur inconnu)
Le plan de Napoléon pour défaire la « perfide Albion » était de faire une « descente » en Angleterre, mais il a dû y renoncer suite à la cuisante défaite navale de Trafalgar en octobre 1805, où Nelson étrille la flotte franco-espagnole. La nouvelle (l’expression « coup de Trafalgar » vient de là) oblige évidemment Napoléon à changer de stratégie. Du coup, les troupes stationnées le long de la Manche, et qui forment la Grande Armée, sont redirigées vers l’Est afin de régler la guerre par une victoire terrestre. 

Austerlitz est surnommée Bataille des Trois Empereurs car le tsar Alexandre Ier et l’empereur François Ier d’Autriche étaient présents. Ils sous-estiment Napoléon qui parvient par ses manœuvres et ses ouvertures diplomatiques à les persuader qu’il est peu confiant et sur la défensive. Les troupes russo-autrichiennes tombent dans le piège, et dégarnissent leur centre pour attaquer le flanc droit français laissé faible à dessein. La contre-attaque française prend les troupes ennemies à revers sur le plateau de Pratzen. 

Les cuirassiers français avant leur charge à Austerlitz, par Meissonnier -(878)

Les troupes françaises sont supérieurement entraînées (et aguerries par 10 ans de guerres révolutionnaires), déterminées et bien commandées… l’avancement au mérite offrant des cadres bien plus compétents et motivés que dans les armées absolutistes ennemies. 

L'avancement au mérite appliqué au monde de l'entreprise à l'époque capitaliste

La déroute ennemie est totale. « Il vous suffira de dire, ‘j’étais à la bataille d’Austerlitz, pour que l’on réponde, ‘Voilà un brave’ », dira Napoléon à ses grognards au soir de la bataille dans une proclamation lue aux troupes et imprimée dans le Bulletin de la Grande Armée. Napoléon est le premier chef d'Etat à s'adresser ainsi à l'ensemble de sa population (non sans arrières pensées politiques évidemment), ce qui le fait considérer par certains comme l'inventeur de la propagande. 

Pour les deux 2 décembre suivants, on fait un bond en avant d’un demi-siècle et on parle cette fois de Louis Napoléon Bonaparte, futur Napoléon III. 

Il s’agit du neveu de Napoléon, qui pendant toute la Restauration (1815-1830) et la Monarchie de Juillet (1830-1848), est en exil puis emprisonné après des tentatives de coup d’Etat mal préparées. Après la Révolution de 1848 il devient le premier Président de la République, confortablement élu avec plus de 70% des voix. C’est la première fois que suffrage universel est employé en France ! Bien entendu c’est un suffrage universel masculin, les femmes seront priées d’attendre encore un petit siècle…


1918 : "Vous pensiez que travailler 12 heures par jour à l'usine pour l'effort de guerre national vous voudrait le droit de vote ? LOL "

Il est donc élu pour un mandat de 4 ans, mais il est non renouvelable. De plus son pouvoir est (constitutionnellement) limité et il doit composer avec une Assemblée dominée par le parti de l’Ordre, qui n’est pas franchement progressiste… Ce regroupement, qui comprends des personnalités comme Thiers, fait passer des lois conservatrices et exclut en 1850 du suffrage universel (masculin toujours) une partie de la population. 

Le grand humanisme de Thiers est surtout resté en mémoire suite à la sanglante répression de la Commune en 1871, au moment de son retour aux affaires (ci-dessus, le mur des Fédérés au Père Lachaise).
Ordre de grandeur du nombre de fusillés : 10 000 !

Bref, en 1851 le Président et l’Assemblée sont à couteaux tirés, et les tentatives de réforme pour permettre à Louis-Napoléon de se représenter ou abroger la loi électorale de 1850 échouent. Il décide alors de passer en force, par des arrestations, une dissolution de l’Assemblée, des décrets (rétablissant le suffrage universel) et des proclamations populaires. La date du 2 décembre 1851 est retenue à dessein pour ce coup d’Etat, qui est suivi 10 jours après d’un plébiscite, savamment orchestré (seuls les journaux favorables sont autorisés à paraître par exemple). 

En 1852, une nouvelle Constitution est préparée, prévoyant le rétablissement de la dignité impériale. Après un nouveau plébiscite qui est un large succès, Louis-Napoléon devient officiellement Napoléon III le 2 décembre 1852. Pas de cérémonie du sacre cette fois, les négociations avec le Saint-Siège (qui demandait notamment que soit rendu à nouveau obligatoire le mariage catholique pour tout mariage civil) n’ayant pas abouti.Napoléon III règne jusqu’en 1870 et la défaite de Sedan, et il est (en tout cas à ce jour…) le dernier monarque français ! 

C'est aussi le premier chef d'Etat français à avoir pu étaler sa trombine en photo officielle




dimanche 5 mai 2013

Une page de pub



Aujourd’hui je vous propose un détour par la Bibliothèque Forney. Elle occupe l’hôtel des archevêques de Sens, un des monuments de mon quartier que je préfère. Cette bibliothèque propose régulièrement des expositions, et celle sur  « L’Histoire de France racontée par la publicité » sera le prétexte pour le billet du jour ! 

Je ne m’étendrai pas sur l’histoire de l’hôtel, je vous invite plutôt à jeter un œil aux photos… 


Façade Est


Façade Ouest côté jardin
Un boulet de canon tiré lors de la Révolution de Juillet en 1830 est visible sur la façade Est où il est resté fiché

Une petite anecdote sur l’hôtel lui-même avant de passer à l'expo : Marguerite de Valois, dite la Reine Margot, y a résidé quelques années. Elle s’était marié avec son cousin Henri de Navarre (futur Henri IV) en 1572. La Saint Barthélémy survient d’ailleurs quelques jours après ce mariage, alors que le parti protestant est réuni à Paris pour les noces d’Henri et Marguerite (Henri était alors « huguenot », c’est-à-dire protestant).  Marguerite avait trois frères, qui ont tous régné sur la  France pendant la deuxième moitié du XVIe siècle (François II, Charles IX, Charles III)… mais ils sont tous morts sans héritiers (même schéma qu’avec Philippe le Bel au XIVe siècle donc !). 


Jean Teulé a publié l'année dernière un roman relatant la folie de Charles IX et son rôle dans la Saint Barthélémy


C’est donc Henri de Navarre, le mari et cousin de Marguerite, qui monte sur le trône de France sous le nom d’Henri IV en 1589 : c’est le début du règne des Bourbons. Mais les années passent et Henri IV reste lui aussi sans héritier : Marguerite était stérile. C’est une des raisons pour lesquelles il fera annuler le mariage par le pape en 1599 (comme Napoléon et Joséphine en 1809). C’est après cette annulation que Marguerite a résidé quelque temps à l’hôtel de Sens. 


J’en reviens à l’exposition, qui présente une série d’affiches publicitaires de la fin XIXe / début XXe, qui présentent toutes des références historiques.  En voici quelques exemples : 


Réclame pour la Loterie Nationale reprenant l’épisode de la capture de Du Guesclin à la bataille d’Auray, pendant la Guerre de Succession de Bretagne (voir ce billet ;) )


Réclame pour le chocolat Henry ; Henri IV porte l’écharpe blanche, emblème des protestants qu’il a conservé après sa conversion au catholicisme. 


Réclame pour les machines à écrire Empire mettant en scène Napoléon dictant ses mémoires à Sainte Hélène

Réclame pour le poële Tzarine, sur fond de retraite de Russie en 1812 (voir ce billet ;) )
Cette publicité diffusée peu avant le début de la Première Guerre Mondiale montre les souverains de la Triple Entente à la frontière franco-allemande. A noter, le tsar d’une Russie malade est soutenu par le Président français Fallières et Edouard VII (arrière-grand-père d’Elisabeth II)


Réclame pour les graines Sanrival datant d’une époque sombre de notre histoire où le retour à la Terre était très ‘in’  ("La Terre de ment pas !")



Autre affiche d’avant (première) guerre montrant le brave troupier français « bon pied bon œil » face au soldat allemand figé dans un maintien rigide et non équipé du « spécifique » (médicament) pour les cors au pied… 

Affiche pour le centenaire du Picon, inventé en Algérie  en 1837 au début de la colonisation (démarrée en 1830 sous Charles X, le dernier roi Bourbon)

L’expo offrait aussi une vitrine sur l’évolution de l’enseignement de l’histoire de France, présentant plusieurs manuels scolaires du XIXe et XXe siècle. 

La page sur Vercingétorix  de ce manuel de 1929 offre une présentation manichéenne à souhait de la guerre des Gaules ! 


Ce qui m’a frappé dans cette exposition, c’est qu’elle montre à quel point l’Histoire avait une place importante dans l’imaginaire collectif des Français de la fin du XIXe ou du début XXe. En mettant en scène des personnages célèbres de l’Histoire de France, les publicitaires de l’époque utilisaient des références et des codes connus de tous. Les produits représentés bénéficiaient ainsi de l’aura de ces hommes d’Etat ou figures historiques, qui véhiculaient alors de la grandeur, de la noblesse, de la réussite. A cette époque « pré mondialisation », ces personnages faisaient partie du cadre de référence du Français moyen. 

On peut tenter d'avancer plusieurs explications à cela. D’abord, un enseignement de l’Histoire, alors centré sur celle de la France en particulier, et expliqué à travers le prisme d’une vision « franco-française » patriotique faisant peu de cas des points de vues d’autres pays (ou colonies). Cette focalisation était également fort bien relayée par le pouvoir politique de la IIIe République, qui a largement utilisé les figures historiques (comme Jeanne d’Arc) pour forger une histoire commune, et préparer la revanche après la défaite de 1870. Ces symboles nationaux permettaient aussi de renforcer l'unité du pays face à des particularismes régionaux très marqués (Pays basque, Corse, Bretagne, Nord, etc.). De plus à l’époque c’était bien l’Europe, et en particulier l’Angleterre et la France (via leurs empires coloniaux), qui dominaient le monde et exportait leurs modèles (sociétal, culturel, etc.). Dans ce contexte on peut supposer que la représentation de figures historiques ait été porteuse (du moins plus qu’aujourd’hui), et que les publicitaires de l’époque aient voulu y associer leurs produits pour maximiser l’impact sur le chaland.

Le contraste avec la situation actuelle est forcément saisissant. D’abord les égéries des marques publicitaires sont désormais majoritairement issues du « star system »: personnalités du cinéma, de la mode, du sport... Les « héros » modernes, ou du moins les personnalités qui fascinent ou enthousiasment le pékin moyen ou la sacro-sainte ménagère de moins de 50 ans, n’ont plus guère de portée historique. Par ailleurs les personnalités anglo-saxonnes sont évidemment bien plus représentées qu’il y a un siècle : la domination culturelle américaine est passée par là… 

Naturellement ce recul des références historiques dans la publicité est l’arbre qui cache la forêt. En dépit d’une offre culturelle sur l'Histoire importante et variée (presse et publications spécialisées, musées et expositions, chaînes de télévision, émission de radio, etc.), de manière générale, l’Histoire de France est beaucoup moins présente qu’il y a un siècle dans les médias « généralistes » et dans l’imaginaire collectif. Au contraire, la remise en cause du « modèle français » et la vision d’une France « en déclin » marquent une rupture, qui va de pair avec une méconnaissance et un désintérêt grandissants de ce trésor national qu’est notre Histoire… Dommage ! 

Le savoir-faire français en termes de crédit-conso pour tondre un maximum les clients-moutons : un nouveau symbole national ?


dimanche 10 mars 2013

Goya et la guerilla

Pour ce billet, on prend la direction de l’Espagne, avec comme point de départ, deux tableaux de Goya (1746-1828) peints en 1814, Dos De Mayo et Tres de Mayo. Ces deux oeuvres relatent les évènements de deux journées de mai 1808 qui marquent le début de la Guerre d’Espagne, un conflit très dur entre les troupes napoléoniennes et une insurrection espagnole soutenue par le Royaume-Uni.

Autoportrait de Goya (1815)


Commençons par un petit retour dynastique en arrière pour situer les évènements.
En 1700,  le trône d’Espagne est occupé par Charles II, un Habsbourg à la santé fragile et sans postérité. Avant de mourir, il désigne pour lui succéder le petit-fils de Louis XIV, qui règne depuis 57 ans déjà de l’autre côté des Pyrénées. Ce Philippe V d’Espagne est le premier des « Bourbons d’Espagne », dynastie qui règne encore aujourd’hui avec Juan Carlos.

Les Bourbons n'ont pas régné sans discontinuité depuis 1700 en Espagne : ce pays a également été dirigé par de grands démocrates d'origine roturière


Mais les Habsbourg d’Autriche, une branche cadette des Habsbourg d’Espagne, ont leur propre candidat pour le trône espagnol  : l’archiduc Charles. Ils sont à la tête du saint Empire Germanique et l’archiduché d’Autriche, et sont soutenus par de nombreuses cours européennes (Grande Bretagne, Provinces Unies, Prusse, etc.) qui n’étaient pas très enthousiastes à l’idée de voir la famille Bourbon régner sur la France et l’Espagne, avec le risque de voir les deux couronnées unies à plus ou moins longue échéance, par le jeu des mariages consanguins…


Edouard VII d'Angleterre, issu du mariage de sa mère la reine Victoria avec son cousin germain Albert de Saxe-Cobourg-Gotha

On était donc parti pour une bonne petite guerre qui dura de 1701 à 1714, dite guerre de succession d’Espagne, avec des affrontements un peu partout en Europe occidentale (Espagne mais aussi Italie, Bavière, Pays-Bas). Ce conflit est vite impopulaire et ruineux pour les belligérants. Les campagnes militaires se suivent sans résultat décisif : l’issue du conflit est diplomatique, avec la paix d’Utrech, qui confirme Philippe V sur le trône de l’Espagne, mais avec beaucoup de concessions. Par exemple, Gibraltar devient anglaise (elle avait été conquise par un corps expéditionnaire britannique pendant le conflit), et la France cède l’Acadie, Terre Neuve et la Baie d’Hudson au Royaume-Uni. Last but not least, Philippe V renonce à ses droits à la couronne française pour lui et sa descendance.

Philippe V d'Espagne

En 1808, date des évènements peints par Goya, c’est un descendant de Philippe V qui règne en Espagne, il s’agit de Charles IV.  Depuis un siècle, l’Espagne est une monarchie absolue en déclin, mal administrée et aux grandes inégalités. L’économie est sous perfusion des richesses importées du nouveau Monde. L’empire espagnol est concurrencé par ceux de la France et du Royaume Uni (dont la révolution industrielle est déjà engagée). L’Eglise catholique a une très grande influence dans le pays, où l’Inquisition existe d’ailleurs toujours (elle sera définitivement abolie en 1834).

Exemple de méthode d'interrogatoire innovante employée par l'Inquisition pour confondre les hérétiques sous l'influence du Malin

Après des relations avec la France révolutionnaire difficiles (l’Espagne, comme de nombreuses cours européennes, tenta sans succès de sauver la tête de cousin Louis Capet, ci-devant roi de France), l’Espagne forma une alliance avec Bonaparte en 1801, contre l’Angleterre et son relais continental le Portugal (qui importe tous ses produits manufacturés d’Albion). Les flottes françaises et espagnoles connurent cependant un sort funeste à la bataille de Trafalgar en 1805 (remportée par Nelson, qui y laissera la vie). C’est ce qui oblige Napoléon (entre temps devenu empereur) à abandonner ses projets de « descente » en Angleterre, et à adopter la stratégie du blocus continental. Blocus largement mis à mal par le débouché portugais pour les produits anglais… d’où l’envoi fin 1807 d’un contingent français, qui traverse l’Espagne avec l’accord du gouvernement espagnol (moyennant la promesse d’un partage avantageux du territoire portugais… Voir traité de Fontainebleau de 1807).

Là où tout se complique, c’est que Charles IV est un roi faible, mou et borné, dominé par sa femme et son favori Godoy (qui accessoirement était selon certaines sources l’amant de la reine). 

La famille royale, par Goya.
"une galerie de monstres dégénérés aux visages arrogants, cruels et cupides" (Jean Tulard)


Son fils Ferdinand est entouré d’un noyau d’opposants voulant faire chuter Godoy. Profitant du mécontentement populaire bien établi dans le pays, et à la faveur d’un contexte politique tendu par la présence de troupes françaises en divers endroits du pays, les agents de ce parti provoquent une émeute le 17 mars, qui prend d’assaut le palais de Godoy et menace le roi réfugié dans le palais royal d’Aranjuez. Sous la pression populaire, Charles IV abdique alors le 19 mars en faveur de son fils qui devient Ferdinand VII, auréolé d’un large soutien populaire.

Ferdinand VII d'Espagne


Le roi déchu Charles IV en appelle à l’arbitrage de Napoléon. Celui-ci donne rendez-vous au père, à la mère et au fils à Bayonne pour organiser une médiation. C’est là qu’ils apprendront la nouvelle des évènements de Madrid relatés par Goya.  

Un contingent français dirigé par Murat occupe Madrid depuis fin mars. Murat est un des personnages les plus haut en couleur de l’Empire : issu d’un milieu très modeste, il s’engage très tôt  dans l’armée, et gravit tous les échelons à la faveur des guerres de la Révolution. Repéré par Napoléon, il épouse sa sœur Caroline, est fait maréchal d’Empire, et deviendra roi de Naples. Il est aussi célèbre pour ses tenues excentriques et chamarrées, et ses talents de cavalier et de meneur d’hommes.

Joachim Murat

Le 2 mai, une émeute éclate à Madrid alors que le parti français organise l’envoi à Bayonne d’autres membres de la famille royale espagnole, notamment le plus jeune fils de Charles IV, l’infant Francisco. L’aide de camp de Murat chargé du transfert essuie une échauffourée contre un petit parti espagnol : plusieurs espagnols sont tués par des soldats français. La ville s’embrase aussitôt, la foule courant aux armes et massacrant tous les Français isolés. Murat fait intervenir massivement ses troupes stationnées aux environs de la ville, dont des mameluks de la Garde Impériale, une unité créée à la suite de l’expédition d’Egypte de 1798. Le cavalier au centre du tableau Dos de Mayo est l’un de ces cavaliers d’élite richement équipés.

Dos de Mayo, par Goya


Une commission militaire française juge et condamne à mort tous les émeutiers pris les armes à la main. 400 Espagnols sont fusillés le lendemain 3 mai.

Tres de Mayo, par Goya

A Bayonne, Napoléon profite de la division au sein de la famille royale. Il obtient par la menace le renoncement au trône de Ferdinand VII, suivi de l’abdication de Charles IV, en faveur d’un prince français, dont le choix est à la discrétion de Napoléon… L’empereur se méprend profondément sur les dispositions du peuple espagnol, qu’il imagine las de la médiocrité de ses dirigeants Bourbon, et demandeur de réformes. Il pense qu’il est possible de faire de l’Espagne un royaume placé dans l’orbite française, avec des intérêts communs, comme cela a été fait avec succès pour le Royaume de Naples dirigé par son frère Joseph par exemple. Et c’est justement son frère aîné qu’il choisit pour régner sur l’Espagne, sous le nom de Joseph Ier.

Joseph Ier d'Espagne

« Du piège tendu à la famille royale à la répression impitoyable d’une insurrection –qui elle-même ne lésinait pas sur les moyens—en passant par la confiscation de la couronne au profit d’un Bonaparte ou par les erreurs stratégiques, l’affaire illustre parfaitement l’aveuglement dont commençait à souffrir l’empereur des Français, grisé par ses succès (…) » (Thierry Lentz). La guerre d’Espagne qui commence en 1808 marque un tournant moral. Depuis la Révolution, toutes les guerres de la France sont des guerres défensives, où l’on résiste à l’agression des monarchies absolues d’Europe qui ne peuvent souffrir cette France révolutionnaire. C’est le cas par exemple de la Troisième Coalition de 1805 (bataille d’Austerlitz notamment), ou de la Quatrième de 1806-1807 (principales batailles : Iéna, Eylau, Friedland).

La guerre d’Espagne est au contraire une guerre déclenchée par Napoléon, et qui ne répond pas à un impératif de défense nationale. Pour la première fois, la nation « agressée » est de l’autre bord. C’est aussi la première guerre « asymétrique » de l’ère moderne, où une armée très supérieure en moyens occupe un pays dont la population civile se soulève. Le terme de « guerilla » (littéralement, petite guerre) a justement été employé pour la première fois à propos de ce conflit. Il durera jusqu’à la première abdication de Napoléon, avec un coût financier, moral et humain très grand pour l’Empire. Ce sera une des causes de sa défaite finale.

Marbot est alors aide de camp de Murat, il écrit : « Comme militaire, j’avais dû combattre des hommes qui attaquaient l’armée française, mais je ne pouvais m’empêcher de reconnaître dans mon for intérieur que notre cause était mauvaise, et que les Espagnols avaient raison de chercher à repousser des étrangers qui, après s’être présentés chez eux en amis, voulaient détrôner leur souverain et s’emparer du royaume par la force ! Cette me paraissait donc impie, mais j’étais soldat et je ne pouvais refuser de marcher sans être taxé de lâcheté ! … la plus grande partie de l’armée pensait comme moi, et cependant obéissait de même ! … ». On est loin de l’enthousiasme des volontaires de la Ière République, ou des grognards des premières guerres de l’Empire !

Progressivement, en réaction au « système » napoléonien, on verra d’ailleurs émerger une conscience nationale dans plusieurs autres monarchies absolues d’Europe (Prusse par exemple). Cela préfigure les révolutions du XIXe qui conduiront à l’unification de l’Allemagne en 1871 par exemple. 

Proclamation de l'Empire d'Allemagne dans la galerie des glaces de Versailles en 1871

Sources
Thierry Lentz, Nouvelle histoire du Premier Empire, Tome II, chapitres XV et XVI, Fayard
Général Baron de Marbot, Mémoires, tome I, chapitre XL, Mercure de France

dimanche 10 février 2013

Le miracle de la Bérézina

Pour ce billet, abordons un épisode des guerres napoléoniennes, le passage de la Bérézina. Le nom de cette rivière, et de la bataille qui s'y déroula en novembre 1812, est souvent employé pour désigner une catastrophe, un désastre. Et pourtant, malgré les pertes françaises et le caractère tragique de cet affrontement, il s'agit d'une victoire ayant permis de sauver ce qui restait de la Grande Armée d'un encerclement total. 

Cette bataille s'inscrit dans la désastreuse campagne de Russie de 1812, véritable "début de la fin" pour l'Empire de Napoléon Ier. Bien que la guerre d'Espagne commencée en 1808 continue d'être un abcès usant beaucoup de troupes et de moyens (le concept de "guerilla" date de cette époque), la France domine alors l'Europe, et est en paix avec la Prusse et l'Autriche vaincues, qui sont désormais ses alliés. Napoléon est d'ailleurs marié depuis 1809 à Marie-Louise, la fille de l'empereur François II d'Autriche. Elle mettra au monde en 1811 l'héritier que Joséphine de Beauharnais, sa première femme, n'avait pas pu donner à Napoléon...


On prête volontiers à Napoléon les mots "C'est un ventre que j'épouse" à propos de son deuxième mariage
(Marie Louise et le roi de Rome, par Gérard)

Depuis 1806, Napoléon cherche à imposer partout en Europe le blocus continental, pour ruiner le Royaume-Uni, l'âme de toutes les coalitions des monarchies européennes contre la France révolutionnaire puis impériale. Le blocus est appliqué avec plus ou moins d'efficacité dans l'Empire, les états satellites (Espagne, grand duché de Varsovie, Royaume de Naples, etc.) et les états alliés de Napoléon. Ainsi l'Empire russe est censé l'appliquer depuis le traité de Tilsit qui conclut la quatrième coalition en 1807 (suite aux victoires d'Eylan et de Friedland).


Alexandre Ier et Napoléon à Tilsit par Serangeli


Mais les sujets de discorde entre la Russie et la France ne manquent pas. L'existence d'une Pologne forte et indépendante est inacceptable pour la Russie, qui cherche à morceler ce territoire (un bon siècle plus tard cette position n'aura pas beaucoup changé avec le pacte Molotov Ribbentrop ...). 


Molotov signant sous l'oeil rigolard de tonton Staline le pacte prévoyant le dépeçage de la Pologne
(le massacre de Katyn viendra opportunément compléter le tableau un an plus tard)

Autre sujet de rancoeur, le projet de mariage entre Napoléon et une soeur du tsar qui a capoté en 1809, et a généré des frustrations des deux côtés. Sans compter divers incidents diplomatiques montés en épingle par les deux parties (affaire du duché d'Oldembourg notamment). Mais surtout le blocus continental demandé par Napoléon est profondément contraire aux intérêts économiques de la Russie, qui a grand besoin des produits manufacturés anglais... Cet embargo sur les produits anglais est trop contraignant pour le tsar. 


Limite hors sujet et légèrement anachronique : Vaches françaises discutant de l'embargo anglais  

La tension monte progressivement entre les deux empereurs et conduit finalement à la guerre, d'ailleurs souhaitée par les deux monarques qui ne recherchent pas un compromis à tout prix. 

Cela donne la campagne de Russie, où la Grande Armée rassemblée sur le Niemen aligne sur le papier 680 000 hommes, dont 400 000 à 450 000 participeront à l'offensive. 

On ne développera pas ici cette campagne, dont on peut toutefois retenir trois phases : 

  • une fuite en avant de la Grande Armée cherchant une bataille décisive, à la poursuite d'une armée russe qui se dérobe jusqu'aux portes de Moscou. Les portes de cette ville s'ouvrent après la bataille de la Moscowa le 7 septembre. C'est une victoire française mais l'armée russe se retire en bon ordre, en conservant un fort potentiel pour les semaines à venir... D'autant que si les lignes de communication françaises s'étirent et posent de gros problèmes de logistiques, les russes reçoivent leurs renforts et réserves beaucoup plus facilement.
  • l'occupation de Moscou par l'armée française, qui y stationne plus d'un mois. Napoléon cherche à négocier la paix depuis cette ville, mais le tsar a décidé de mener une guerre totale ! Il sacrifie Moscou, que les habitants ont évacué en y laissant des richesses colossales, et ordonne de la brûler ! L'incendie est immense et dure quatre jours. 
  • La retraite française, qui commence le 19 octobre, alors que l'hiver russe se déchaîne
Le graphe ci-dessous a été créé en 1869 par Minard, un ingénieur pionner dans le domaine de la représentation graphique. Il est remarquable car il présente, en seul graphe, des informations sur la position de l'armée, son itinéraire au cours du temps, ainsi que l'évolution de la température et des effectifs ! 



Comme on le voit, les pertes françaises sont très lourdes tout au long de la campagne, et la retraite se transforme en déroute alors que les températures chutent, qu'il n'y a plus de ravitaillement ni même d'abris, les russes ayant inauguré la politique de la terre brûlée ! 

La situation est chaque jour plus critique pour la Grande Armée, dont les unités (à part la Garde Impériale) se désorganisent et se mêlent les unes aux autres dans le plus grand désordre. Fin novembre, il ne reste que 40 à 50 000 hommes en état de combattre, environnés d'une foule de traînards. Toute l'armée risque l'encerclement et la capture par un ennemi largement supérieur en nombre. Il faut franchir le fleuve Bérézina (en actuelle Biélorussie) dont les ponts ont été détruits par l'ennemi. Le fleuve charrie des blocs de glace mais n'est pas gelé. 

Un gué est découvert, où deux ponts de 70 mètres de long sont construits à la hâte par les troupes du génie du général Eblé. Ces pontonniers sont contraints de s'immerger jusqu'à la poitrine pour construire les ouvrages. Moins d'une dizaine survivront, sur un effectif de quatre cent hommes. 

Napoléon parvient à tromper l'ennemi par ses manoeuvres en créant des diversions sur d'autres points du fleuve, et au grand soulagement de l'armée, la construction des ponts n'eut pas à se faire sous le feu ennemi.

Le pont est prêt le 26 novembre, et le passage s'effectuera jusqu'au 29. L'arrière garde résiste tant bien que mal aux armées russes qui rappliquent en force. Le dernier jour, la plus grande confusion règne quand les rives sont sous le canon russe. Une foule immense, qui n'avait pas encore traversé (pourtant la nuit les ponts étaient déserts) se précipite pour échapper à l'ennemi. L'un des deux ponts se rompt. "La colonne engagée sur cet étroit passage voulut en vain rétrograder. Le flot d'hommes qui venait derrière, ignorant ce malheur, n'écoutant pas les cris des premiers, poussèrent devant eux, et les jetèrent dans le gouffre, où ils furent précipités à leur tour". Dans ces circonstances terribles, les actes d'héroïsme côtoient les petites et grandes lâchetés, le récit des ces journées par les acteurs de l'époque est poignant. 

Passage de la Bérézina par Suchodolski

Au final, ce qui reste de l'armée parvient à échapper aux russes, et continue sa retraite vers Vilnius par des températures de -20 à -30°. 



La situation est catastrophique, mais l'armée a tout de même échappé à une élimination complète. Comme l'écrit Jean Tulard, "la bataille de la Berezina fut, dans des conditions difficiles, une victoire française illustrée par l'action héroïque du Général Eblé [...] Napoléon et le gros de ses forces ont échappé à la manœuvre de Tchitchagov et de Wittgenstein qui laissent beaucoup d'hommes sur le terrain. Ce succès n'aurait pas été possible sans l'héroïsme du général Éblé et de ses pontonniers."

En tout cas cet épisode de la Bérézina est emblématique de la retraite de Russie et a marqué l'imaginaire collectif, même si aujourd'hui il est souvent évoqué à tort comme un échec retentissant. Ces journées sont racontées dans de nombreux Mémoires des soldats qui en sont revenus (exemple ici). Hugo en a aussi fait un poème, L'Expiation, dans le recueil Les Châtiments. 


Sources

Thierry Lentz, Nouvelle histoire du Premier Empire, Tome II, Fayard
Philippe de Ségur, la campagne de Russie, Texto
Jean-Roch Coignet, les cahiers du Capitaine Coignet



dimanche 27 janvier 2013

L'hôtel de Soubise et les archives nationales

Cette semaine, direction l'hôtel de Soubise situé dans le Marais à Paris. Ce majestueux hôtel particulier accueille le musée des archives nationales, et plusieurs documents majeurs de l'histoire de France. 





D'abord quelques mots sur l'hôtel lui-même. 

Il s'appelait initialement hôtel de Clisson, du nom du seigneur breton Olivier de Clisson qui l'a fait construire en 1371, en pleine guerre de cent ans. C'est un personnage haut en couleurs qui s'est illustré dans la guerre de succession de Bretagne. 



Portrait en pied d'Olivier V de Clisson réalisé en 1635 par Simon Vouet 


Il perd un oeil à la bataille d'Auray en 1364, où il fait partie des chefs du parti anglo-breton de Jean IV de Montfort. C'est ce parti qui remporte la bataille, ce qui marque la fin de la succession pour le duché (mais pas des combats!) avec le traité de Guérande l'année suivante. Olivier de Clission, dit "le borgne d'Auray" et le "boucher", se brouille par la suite avec Jean IV de Montfort désormais reconnu comme duc de Bretagne, et passe au service du roi de France. Il combattra alors les Anglais sur plusieurs théâtres de la guerre de Cent Ans, parfois aux côtés de Du Guesclin, à qui il succédera comme connétable de Charles VI en 1380. 


La Bataille d'Auray par Jean Froissart.
Notez les bannières des franco bretons à gauche (fleur de lys) et anglo bretons à droite (léopard anglais et fleur de lys)





C'est donc ce personnage considérable qui se fait construire un manoir en 1371, dont il ne reste aujourd'hui que deux tours. 

Les 2 tours encore visibles aujourd'hui rue des Archives
Au XVIe siècle, l'hôtel est la propriété de la puissante famille de Guise, chefs de file de la ligue catholique, qui s'illustra pendant les guerres de Religion. C'est d'ailleurs de cet endroit que partiront les séides de ce parti en 1572 le jour de la Saint Barthélémy. 


Délassement catholique dans les rues de Paris le jour de la Saint Barthélémy


L'hôtel est acheté en 1700 par le prince de Soubise (la famille de Guise s'est éteinte quelques années plus tôt), et largement embelli, grâce à l'argent de sa femme Anne de Rohan-Chabot, maîtresse de Louis XIV. Je ne développe pas l'aspect architectural mais il faut tout de même souligner que la décoration intérieure est remarquable (architecte Delamair) dans le style Rocaille. 


Salon de la princesse


Confisqué sous la Révolution comme bien d'émigrés, l'hôtel est affecté aux Archives impériales en 1808 par Napoléon Ier. Les archives dispersées dans divers dépôts parisiens sont alors progressivement regroupées en ce lieu, qui connait des accroissements successifs. Il faut dire qu'on atteint aujourd'hui le chiffre de six milliards de documents, sur 300 kilomètres de rayonnages... Et ce sans compter les autres sites de Pierrefitte et Fontainebleau, et sans compter les archives de la Défense et des Affaires Etrangères, qui sont gérées à part.

Le site contient l'armoire de fer, deux énormes caissons métalliques enchâssés l'un dans l'autre, qui contient les pièces jugées les plus emblématiques de l'Histoire de France.

Quelques exemples de documents conservés sur ce site : 


le mètre et le kilogramme étalon de 1799 : c'est en effet la Révolution Française qui met de l'ordre dans les systèmes de mesure en France, pour assurer l'invariabilité des mesures et s'affranchir de l'arbitraire des unités de mesure seigneuriales. L'introduction de ce système décimal est une vraie révolution dans le calcul des surfaces et des volumes ... Les premiers étalons du mètre et du kilogramme furent fabriqués en 1799 et symboliquement déposés aux Archives de la République

le journal de Louis XVI : ce souverain tenait un journal quotidien. On cite souvent en anecdote ce qu'il a consigné pour la journée du 14 juillet 1789 qui ébranla la monarchie : "Rien". Il faut tout de même relativiser en précisant que de toute manière, chaque entrée tenait sur une ligne (une page par mois), et traitait souvent des activités de sa journée (promenade, chasse, etc.) plutôt que des évènements politiques. 


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le testament de Louis XIV : quand il meurt le 1er septembre 1715, la succession du Roi Soleil se présente comme complexe, car son fils et son petit-fils sont morts, et son arrière petit-fils n'a que 5 ans ! C'est le futur Louis XV. Compte tenu de son âge il ne peut régner seul, et se pose donc la question de la régence, par un Grand du Royaume qui exercera le pouvoir en son nom... On imagine évidemment les intrigues et les luttes d'influence qui ont pu se nouer dans un tel contexte ! Louis XIV désigne dans son testament le duc du Maine, son bâtard légitimé, pour devenir régent. Pour beaucoup c'est impensable, seul un prince de sang pouvant exercer une telle charge ! Grâce à une alliance avec le parlement de Paris, le duc d'Orléans s'empresse de faire casser le testament et d'exercer la régence. Cet homme est le fils de "Monsieur", le défunt frère du roi de France. 

Louis-Philippe, dernier roi que la France ait connu, est son arrière petit fils. Il s'agit là de la branche cadette des Bourbons, ou "Bourbons d'Orléans", toujours représentée aujourd'hui par le comte de Paris. Il est le chef de file de ceux qu'on appelle les "orléanistes", par opposition aux "légitimistes", partisans des descendants de la branche aînée des Bourbons (dont les derniers représentants à avoir régné sont les trois frères Louis XVI, Louis XVIII et Charles X). 

Le Régent en 1717


le testament de Napoléon Ier : écrit l'année de sa mort (1821) à Saint Hélène, où il croupissait depuis 1815 après l'épisode dit des Cent-Jours conclu par Waterloo. Il contient la formule restée célèbre "Je désire que mes cendres reposent sur les bords de la Seine, au milieu de ce peuple français que j'ai tant aimé". Ce sera chose faite en 1840 (sous Louis Philippe donc -- Louis XVIII et Charles X n'ayant évidemment marqué aucun empressement pour lui donner une sépulture en France) quand une expédition conduite par le fils de Louis-Philippe, le duc de Joinville, ramène ses cendres en grande pompe jusqu'aux Invalides. Cet évènement a un grand retentissement dans le pays. Hugo y a assisté et détaille la journée dans "Choses vues"


Retour des cendres de Napoléon Ier de Sainte-Hélène. 14 décembre 1840 : L'arrivée de La Dorade à Courbevoie. (1867) par Henri Félix Emmanuel Philippoteaux 

Voilà pour le bref aperçu de l'hôtel de Soubise, que je vous invite à découvrir. L'accès à ses jardins est gratuit et offre des bancs propices au délassement dans un cadre paisible et peu fréquenté ! 







Sources - G. Martin, 26/1/2013, visite donnée par l'association Paris historique
Archives Nationales, brochure du musée, mai 2012


Notes - A lire pour les amateur(rice)s de roman historique : Cycle Gui de Clairbois, Pierre Naudin, chez Pocket. Olivier de Clission est un personnage largement développé dans ce roman très documenté